Essence phare de la futaie feuillue en Wallonie (34 % de la superficie
feuillue soit environ 50.000 ha en forêt soumises et environ 35.000 ha en
forêts privées – données TBE 2010
émanant de l’IPRFW ) ; le chêne
indigène est assurément une essence qui
a encore de l’avenir pour autant que sa sylviculture soit revue à l’aune des
nouvelles connaissances scientifiques concernant son écologie et de la prise en
compte des modifications climatiques en cours et des phénomènes de dépérissement
induits.
Nos chênes indigènes, pédonculé et sessile, ont en effet des exigences
écologiques différentes et maintenant bien connues et le respect de celles-ci
évitera pour l’avenir des erreurs d’implantations qui ont eu les résultats que
l’on connait (perte de rentabilité, dépérissement, voire ruine totale des
peuplements.) On se reportera utilement
aux nouveaux outils prochainement mis à la disposition des décideurs et
gestionnaires comme le nouveau fichier écologique des essences et le nouveau guide
de boisement qui en découlera.
On se trouve face à trois constatations majeures en ce qui
concernent nos deux chênes :
- un relatif manque de qualité des produits dont la valeur se situe surtout dans la tranche des produits industriels (Manque de qualité A et B) ;
- un vieillissement galopant du capital sur pied se marquant surtout par la rareté des bois moyens et un déficit structurel en petits bois ;
- un dépérissement accéléré de peuplements souvent installés à l’emporte pièce et certainement sans avoir préalablement posé le bon diagnostic.
En réservant le chêne
pédonculé aux stations à bonne économie en eau toute l’année et à
faibles densités (préférence des zones alluvionnaires, préservation de leur
caractère héliophile strict), en privilégiant les provenances les plus recommandables selon le catalogue édité par le
comptoir wallon des matériels forestiers
de reproduction qui assureront le brassage génétique nécessaire et la mise
en avant des écotypes locaux résistants ; des futaies claires – si possibles
irrégulières – éventuellement en mélange avec d’autres feuillus nobles ou précieux,
menées de façon dynamique à base d’éclaircies fortes parce que précoces,
impliquant des travaux forestiers de qualité (tailles et élagage en hauteur),
et visant un raccourcissement substantiel de la durée de révolution, devraient
permettre la production à terme d’un matériau à très haute valeur ajoutée et
facile à écouler sur les marchés.
Des itinéraires sylvicoles proches mais adaptés au chêne sessile, essence forestière centrale, plus collinéenne
ou s’épanouissant en zones de colluvions, devront permettre d’arriver à un
objectif semblable. Un peu moins sujet
au dépérissement selon les observations établies par l’Observatoire Wallon de la Santé des Forêts, surtout parce que
plus résistant aux épisodes de sécheresse en augmentation dû aux modifications
des conditions climatiques ; il doit autant que son cousin faire l’objet
de toutes les attentions pour lui permettre de se régénérer – si possible
naturellement – dans les meilleures conditions.
Pour ce faire, un préalable devrait être le retour à une densité
acceptable des grands ongulés sauvages exerçant une pression actuellement
intolérable tant sur la régénération naturelle qu’artificielle des peuplements
en place. Les coûts de protections
devant être mises en place rendant l’économie de leur sylviculture gravement
déficitaire.
Il est vrai que ce déficit de
régénération constaté un peu partout en Wallonie a des causes diverses et variées, humaines et techniques, fruit de
contraintes encore mal connues ou mal assumées et que de nouvelles techniques
doivent voir le jour pour pallier ce manque.
Une recherche proactive est en cours dont des résultats sont attendus au
terme du nouvel accord cadre sur les
recherches forestières.
Le vieillissement des semenciers peut constituer en lui-même un
problème. Un excès de capitalisation du
bois dans les dernières décennies en est surtout la cause. La vitalité et la qualité intrinsèque de
ceux-ci (souvent des bois industriels), liées à un manque de préparation du sol
voire une inadéquation stationnelle avérée peuvent en partie expliquer ce
manque de régénération naturelle. La
conduite des peuplements peut également en être la cause : densités trop
élevées laissant pénétrer trop peu de lumière au sol, mauvais usage d’un
sous-étage mal maîtrisé qui empêche l’installation de la régénération ou
étouffe les rares semis ayant réussi à percer,…
Le mauvais usage des sols subissant trop de contrainte lors des travaux
et l’exploitation est aussi une cause non négligeable des difficultés de
régénération : le compactage, le scalpage, l’orniérage perturbent la
texture et la structures des sols et
sont assurément des freins à l’installation des semis. Une desserte suffisante et bien conçue, des
cloisonnements culturaux et d’exploitation précocement installés, une
utilisation d’un charroi adéquat aux meilleurs moments,…sont autant d’éléments
qui assureront les meilleures chances aux semis sur des sols plus accueillants.
Dans tous les cas de figure, l’enjeu de taille qui se présente aux
forestiers est de pouvoir tirer parti de la capacité d’adaptation de ces deux
essences nobles qui certes auront à souffrir des modifications abiotiques et
biotiques en cours (épisodes de sécheresse édaphique plus fréquents en été,
pluviosité plus abondante en hiver, modification de la composition organique et
minérale des sols en raison de leur réchauffement, ….), mais semblent avoir
encore un bel avenir devant elles pour autant que des itinéraires sylvicoles
raisonnés et innovants leur soient appliqués.
L’utilisation systématique du mélange des peuplements, un traitement
dynamique des futaies, une protection efficace des sols et des réserves en
eau,… doivent déjà permettre d’évacuer assez facilement un certain nombre de
risques prévisibles. La surveillance systématique des gestionnaires tout au
long des saisons forestières, une réaction rapide aux phénomènes de
dépérissement constatés,… permettront par contre de faire face aux imprévus.
Il ne serait pas inopportun de ne plus attendre la coupe finale pour se
demander ce qui va s’en suivre. Anticiper
est une attitude économiquement rentable : une planification précoce
préalable à la réalisation basée sur un diagnostic complet et fiable (tant
technique qu’économique), une réinstallation soignée et des entretiens de
qualité seront les garants d’une productivité élevée de bois de qualité.
Et lorsque la régénération naturelle n’est pas possible, la volonté des
propriétaires/gestionnaires de régénérer artificiellement est parfois
absente. Depuis quelques années, un
constat s’impose, la surface forestière est en légère diminution (-4 % depuis
1980 selon le Tableau de Bord de l’Environnement Wallon de 2010). L’intensification de la concurrence pour les
autres occupations du sol (agriculture, urbanisation) n’explique pas
tout ; on ne plante plus assez.
Les aides à la régénération ont assurément disparu, les propriétaires
doivent donc exploiter au mieux leurs ressources, diminuer leurs coûts,
augmenter leurs recettes par l’application de mesures relativement faciles à
mettre en œuvre et de bon rapport économique et technique : les bonnes
pratiques forestières qui protègent le capital et permettent d’en tirer le
maximum à moindre frais en cette période de crise. Que ce soit au niveau de l’état de la
ressource forestière, de sa santé et sa vitalité, de ses possibilités de production,
de la conservation de la biodiversité y afférent, de la protection des sols et
de l’eau,…de nombreuses pratiques de bon sens peuvent être mises en œuvre pour
concourir à l’obtention d’un matériau bois de qualité et en quantité suffisante
pour approvisionner la filière de transformation et in fine, les utilisateurs
de plus en plus exigeants.