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vendredi, août 24, 2012

Le Chêne en Région wallonne


 


Essence phare de la futaie feuillue en Wallonie (34 % de la superficie feuillue soit environ 50.000 ha en forêt soumises et environ 35.000 ha en forêts privées –  données TBE 2010 émanant de l’IPRFW ) ; le chêne indigène est assurément une essence  qui a encore de l’avenir pour autant que sa sylviculture soit revue à l’aune des nouvelles connaissances scientifiques concernant son écologie et de la prise en compte des modifications climatiques en cours et des phénomènes de dépérissement induits.
Nos chênes indigènes, pédonculé et sessile, ont en effet des exigences écologiques différentes et maintenant bien connues et le respect de celles-ci évitera pour l’avenir des erreurs d’implantations qui ont eu les résultats que l’on connait (perte de rentabilité, dépérissement, voire ruine totale des peuplements.)  On se reportera utilement aux nouveaux outils prochainement mis à la disposition des décideurs et gestionnaires comme le nouveau fichier écologique des essences et le nouveau guide de boisement qui en découlera.
On se trouve face à trois constatations majeures en ce qui concernent nos deux chênes :
  •        un relatif manque de qualité des produits dont la valeur se situe surtout dans la tranche des produits industriels (Manque de qualité A et B) ;
  •        un vieillissement galopant du capital sur pied se marquant surtout par  la rareté des bois moyens et un déficit structurel en petits bois ;
  •        un dépérissement accéléré de peuplements souvent installés à l’emporte pièce et certainement sans avoir préalablement posé le bon diagnostic.
En réservant le chêne pédonculé aux stations à bonne économie en eau toute l’année et à faibles densités (préférence des zones alluvionnaires, préservation de leur caractère héliophile strict), en privilégiant les provenances les plus recommandables selon le catalogue édité par le comptoir wallon des matériels forestiers de reproduction qui assureront le brassage génétique nécessaire et la mise en avant des écotypes locaux résistants ;  des futaies claires – si possibles irrégulières – éventuellement en mélange avec d’autres feuillus nobles ou précieux, menées de façon dynamique à base d’éclaircies fortes parce que précoces, impliquant des travaux forestiers de qualité (tailles et élagage en hauteur), et visant un raccourcissement substantiel de la durée de révolution, devraient permettre la production à terme d’un matériau à très haute valeur ajoutée et facile à écouler sur les marchés.

Des itinéraires sylvicoles proches mais adaptés au chêne sessile, essence forestière centrale, plus collinéenne ou s’épanouissant en zones de colluvions, devront permettre d’arriver à un objectif semblable.  Un peu moins sujet au dépérissement selon les observations établies par l’Observatoire Wallon de la Santé des Forêts, surtout parce que plus résistant aux épisodes de sécheresse en augmentation dû aux modifications des conditions climatiques ; il doit autant que son cousin faire l’objet de toutes les attentions pour lui permettre de se régénérer – si possible naturellement – dans les meilleures conditions.
Pour ce faire, un préalable devrait être le retour à une densité acceptable des grands ongulés sauvages exerçant une pression actuellement intolérable tant sur la régénération naturelle qu’artificielle des peuplements en place.  Les coûts de protections devant être mises en place rendant l’économie de leur sylviculture gravement déficitaire.

Il est vrai que ce déficit de régénération constaté un peu partout en Wallonie a des causes diverses et variées, humaines et techniques, fruit de contraintes encore mal connues ou mal assumées et que de nouvelles techniques doivent voir le jour pour pallier ce manque.  Une recherche proactive est en cours dont des résultats sont attendus au terme du nouvel accord cadre sur les recherches forestières.

Le vieillissement des semenciers peut constituer en lui-même un problème.  Un excès de capitalisation du bois dans les dernières décennies en est surtout la cause.  La vitalité et la qualité intrinsèque de ceux-ci (souvent des bois industriels), liées à un manque de préparation du sol voire une inadéquation stationnelle avérée peuvent en partie expliquer ce manque de régénération naturelle.  La conduite des peuplements peut également en être la cause : densités trop élevées laissant pénétrer trop peu de lumière au sol, mauvais usage d’un sous-étage mal maîtrisé qui empêche l’installation de la régénération ou étouffe les rares semis ayant réussi à percer,…

Le mauvais usage des sols subissant trop de contrainte lors des travaux et l’exploitation est aussi une cause non négligeable des difficultés de régénération : le compactage, le scalpage, l’orniérage perturbent la texture et la structures des sols  et sont assurément des freins à l’installation des semis.  Une desserte suffisante et bien conçue, des cloisonnements culturaux et d’exploitation précocement installés, une utilisation d’un charroi adéquat aux meilleurs moments,…sont autant d’éléments qui assureront les meilleures chances aux semis sur des sols plus accueillants.

Dans tous les cas de figure,  l’enjeu de taille qui se présente aux forestiers est de pouvoir tirer parti de la capacité d’adaptation de ces deux essences nobles qui certes auront à souffrir des modifications abiotiques et biotiques en cours (épisodes de sécheresse édaphique plus fréquents en été, pluviosité plus abondante en hiver, modification de la composition organique et minérale des sols en raison de leur réchauffement, ….), mais semblent avoir encore un bel avenir devant elles pour autant que des itinéraires sylvicoles raisonnés et innovants leur soient appliqués. 

L’utilisation systématique du mélange des peuplements, un traitement dynamique des futaies, une protection efficace des sols et des réserves en eau,… doivent déjà permettre d’évacuer assez facilement un certain nombre de risques prévisibles. La surveillance systématique des gestionnaires tout au long des saisons forestières, une réaction rapide aux phénomènes de dépérissement constatés,… permettront par contre de faire face aux imprévus.

Il ne serait pas inopportun de ne plus attendre la coupe finale pour se demander ce qui va s’en suivre.  Anticiper est une attitude économiquement rentable : une planification précoce préalable à la réalisation basée sur un diagnostic complet et fiable (tant technique qu’économique), une réinstallation soignée et des entretiens de qualité seront les garants d’une productivité élevée de bois de qualité.
Et lorsque la régénération naturelle n’est pas possible, la volonté des propriétaires/gestionnaires de régénérer artificiellement est parfois absente.  Depuis quelques années, un constat s’impose, la surface forestière est en légère diminution (-4 % depuis 1980 selon le Tableau de Bord de l’Environnement Wallon de 2010).  L’intensification de la concurrence pour les autres occupations du sol (agriculture, urbanisation) n’explique pas tout ; on ne plante plus assez.

Les aides à la régénération ont assurément disparu, les propriétaires doivent donc exploiter au mieux leurs ressources, diminuer leurs coûts, augmenter leurs recettes par l’application de mesures relativement faciles à mettre en œuvre et de bon rapport économique et technique : les bonnes pratiques forestières qui protègent le capital et permettent d’en tirer le maximum à moindre frais en cette période de crise.  Que ce soit au niveau de l’état de la ressource forestière, de sa santé et sa vitalité, de ses possibilités de production, de la conservation de la biodiversité y afférent, de la protection des sols et de l’eau,…de nombreuses pratiques de bon sens peuvent être mises en œuvre pour concourir à l’obtention d’un matériau bois de qualité et en quantité suffisante pour approvisionner la filière de transformation et in fine, les utilisateurs de plus en plus exigeants.