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mercredi, août 01, 2012

Les conseils d'Yvonne Sachch-Duc parus dans "Plecotus" 18/01/1999


Conseils à ceux qui trouveraient une chauve-souris en difficulté

Tous les chiroptères (chauves-souris) français sont protégés et ne doivent donc pas être mis en captivité. Mais il relève de la plus élémentaire humanité et de l’efficacité en matière de protection de venir à leur secours en cas de difficultés.
Un certain nombre de centres de soins se mettent peu à peu en place, qui les accueillent plus ou moins : ces centres ont presque tous au départ été organisés pour l’aide aux oiseaux. Il convient de remettre aussi rapidement que possible votre trouvaille à l’un de ces lieux où l’animal sera soigné par un vétérinaire compétent et alimenté avec des insectes.
Les conseils que je donne ici ont donc comme finalité première de permettre d’attendre, joindre un centre ou une personne compétente pouvant être long.
Il n’est pas question de faire un cours, mais plutôt de donner le mode d’emploi d’un animal un peu particulier.
Je prendrai pour exemple la pipistrelle commune : ce n’est pas l’unique espèce française (il en existe 29) mais de loin la plus répandue, en ville particulièrement, ce qui fait qu’on la trouve blessée assez souvent. Très petite, son poids varie de 4 à 6 g (en hiver) pour un adulte.
Les chauves-souris sont des mammifères volants. La mère donne naissance à un bébé unique ou parfois à des jumeaux, annuellement, à une période comprise entre fin-juin et mi-juillet.
  • Hibernation
Durant la période froide, les insectes disparaissant, elle dort : son corps devient froid, c’est-à-dire que sa température s’équilibre avec celle du milieu environnant, supprimant en très grande partie les échanges et donc la consommation énergétique. Si vous entrez en un lieu qui héberge des animaux endormis et si vous y stationnez quelque peu, l’animal dont les fonctions de surveillance ne sont pas totalement endormies, tend à remonter la température de son corps afin de pouvoir s’en aller si le danger devient immédiat. Ce qui, pour un observateur attentif, se traduit par de très petites vibrations du corps. Pour remonter ainsi la température de sa petite personne, l’animal va consommer du « carburant » : sa graisse de réserve en l’occurrence, destinée normalement à assurer un certain ralenti au niveau du cœur et une température « hors gel » . Si la couche graisseuse est faible, l’animal risque de ne pouvoir attendre le printemps et le retour des insectes, et mourra de faim.
Alors surtout, évitez de réveiller ceux qui dorment.
  • Alimentation
Lorsqu’un 19 janvier, un dimanche, une pipistrelle commune est venue choir à mes pieds (détachée de la voûte de la cathédrale de Chartres) par grand froid, j’ai été bien ennuyée, n’ayant rien sur le plan insectes à fournir à cette pensionnaire envoyée par ciel !

J’ai eu recours à une mixture fromage blanc et viande crue râpée finement : cela lui a permis d’attendre mieux.  Dès le lendemain, je me suis rendue sur les quais à Paris chez les vendeurs d’articles de pêche : on peut parfois trouver en appâts vivants des vers de farine, généralement en petite boite de 25. Sachez qu’une pipistrelle commune affamée peut consommer 20 vers de farine sans efforts en une journée (ce qui représente, selon la taille des vers, entre 3 et 3,5 g environ). Il vaudra mieux donner ces insectes un à un au début puis deux par deux, etc… Si vous donniez un lot important, il en résulterait vite des ennuis digestifs.
Si votre vendeur est bien ravitaillé, peut-être y aura-t-il des fausses teignes de ruche (Galleria melonella). Ce n’est pas très bon marché mais c’est, sur le plan gastronomique, pour une chauve-souris, bien supérieur aux vers de farine.
Il reste l’asticot : ce qui peut dépanner mais… Les asticots ne doivent pas être donnés sous cette forme : les crochets buccaux sont très dangereux et ces animaux sont élevés sur viande avariée. Surtout si l’animal blessé a une plaie ouverte, le contact paraît à éviter. En pupe (stade intermédiaire entre la mouche et l’asticot), il peut être consommé, mais « épluché » – travail délicat et peut agréable- et donné à la main. Ce « plat » entartre les dents.
Si l’animal est faible, il faudra au départ, le nourrir à la main avec de la pulpe de vers : mais en ce cas, veillez à ne pas obstruer les narines : mieux vaut après le repas passer sur le nez un coton-tige mouillé, quitte à faire éternuer l’animal : un nez bouché peut être cause de mort (de faim, car l’animal ne peut manger au risque de s’asphyxier).
  • Blessures
Bien souvent, ce sont des fractures, en majorité dues à des collisions avec un véhicule, ou du fait d’un chat. Dans les centres de soins, on considère que ces animaux ne pourront plus jamais voler normalement (ce qui est inexact : j’en ai eu la preuve), ils sont donc euthanasiés. Pourtant une pipistrelle n’ayant plus que trois pattes, si elle ne peut voler, peut vivre huit ans environ. Et ce que j’ai appris, je le sais par ces pensionnaires inutilisables pour la nature mais que j’ai conservées.
Si je ne partage pas humainement parlant le point de vue de ces centres, je le comprends : en effet, tout repose sur le bénévolat, avec un temps limité, des moyens financiers réduits, on ne peut donc garder des pensionnaires permanents.
Les fractures si elles sont franches peuvent guérir et l’animal repartira mais ce sera long : deux à trois mois. Il faut avant tout laver la plaie si la fracture est ouverte, avec de l’alcool à 90 °, coupé pour moitié d’eau bouillie. Il faut placer l’aile en position normale ; la fixer est difficile, les chauves-souris arrachant tout avec leurs dents. Mais si on met l’animal dans une très petite boite en carton, percée de quelques trous pour l’aération, doublée de papier absorbant scotché extérieurement (pour pouvoir le changer), il ne peut bouger. Il faut juste que la boite permette à l’animal de se suspendre pieds en l’air et tête en bas.
Cette boite sera placée –bien fermée pour éviter une fugue éventuelle- dans un lieu calme et si possible à température peu élevée : 15 °C au plus, 12°C n’est pas plus mal. La chauve-souris sera tranquille en semi-léthargie.
On peut la mettre sous antibiotiques, mais il est préférable de recourir aux vétérinaires. Les pipistrelles sont de bons malades, gentilles et disciplinées.
Si l’animal saigne éviter de la poser sur du coton hydrophile et songer à lui donner à boire.
Pour les repas il est bien de remonter la température jusqu’à 19 ou 20°C une demi-heure avant de manger et de ne pas la mettre de suite au froid (une demi-heure après, cela facilite la digestion). On la nourrira à la main au début, pour éviter qu’elle ne bouge, pour éviter qu’elle ne salisse sa plaie aussi. Si l’animal n’est pas parfaitement réveillé, évitez de la nourrir : il peut avoir de mauvais réflexes de déglutition et s’étouffer : ceci est valable pour les adultes, mais aussi pour un bébé au biberon.
  • Membrane déchirée
Cet accident est fréquent : un chat accroche, la chauve-souris se débat et la membrane fine se déchire et pend lamentablement. Pour un animal sauvage, c’est une catastrophe : ne pouvant voler, il ne pourra chasser et mourra de faim.
Certains livres (et peut-être certains centres !) disent même qu’une membrane déchirée est irréparable, ce qui est faux. Mais on trouve des animaux morts (de faim) dont la membrane de ce fait, n’a pas été réparée.
Pourtant, c’est une réparation à la fois rapide (en général trois semaines) et parfaite : pas la moindre trace ne subsiste même après un accroc de plusieurs centimètres. La tâche qui incombe au sauveteur est simple : nourrir le pensionnaire qui ne demande pas mieux et attendre que la réparation soit terminée, puis relâcher la bête (qui du reste généralement manifeste son désir de partir). Une précaution à prendre : rééduquer au vol durant quelques jours la chauve-souris pour qu’elle redéveloppe une musculature restée inactive un temps.
Pour relâcher l’animal, j’utilise un nichoir dont la forme me permet même de glisser une assiette garnie de victuailles à l’intérieur : ce nichoir sera fixé dans la zone d’origine de l’animal, orientation au sud, surtout en hiver, hors de portée des prédateurs (animal ou homme). Ainsi, l’animal, aura un logement d’attente dont il ne sortira qu’à son gré.
  • La faim
C’est un problème de début ou de fin d’hiver, voire de grands froids (après plusieurs hivers doux). Plusieurs fois on m’a amené des pipistrelles qui étaient entrées en décembre dans les maisons : leur poids était très faible (4 g environ pour un mâle). Souvent aussi, ils étaient couverts de tiques : en ce cas, le premier repas donné, il y a désinfection au carbyl : poudre insecticide qui, à l’usage, s’est révélée très efficace et rapide, également sans conséquence pour l’animal traité. Au bout de quelques minutes, les tiques s’étant décrochées du pelage bien poudré au pinceau fin, je retire la poudre restante au maximum en brossant. L’animal ainsi manipulé ne proteste jamais. Une semaine de pension avec une alimentation à discrétion permet à l’animal de prendre environ 1 g : il passera ainsi un bon hiver.
En fin d’hiver, ce sont des animaux au sol, épuisés, que l’on trouve, et il faut faire très vite car ces bêtes ayant faim ont tenté une sortie, n’ont rien trouvé à manger et sont totalement au bout de leurs réserves : ces bêtes-là sont à mettre à une chaleur correcte et à nourrir à la becquée, à la main. Mais généralement, elles se remettent très vite.

  • Les bébés
Ce problème est saisonnier, de fin juin à la fin juillet environ (selon que l’on se trouve au sud ou au nord de la France).
On peut trouver de jeunes bébés abandonnés, perdus au cours d’une fuite, ou peut-être l’un des deux jumeaux, à moins que la mère accidentée ne soit pas rentrée au domicile.
La nourriture pour un poids de 1,4 à 2,5 g sera constituée de lait maternisé pour chiots et chatons, mais il convient de diluer la poudre un peu moins qu’il n’est indiqué. Il faudra y adjoindre un peu (difficile à doser !) de sofcanis (ou d’un autre complément phosphore-calcium). Six biberons par jour sont nécessaires, diminuant jusqu’à quatre avec la croissance du bébé. Dés le poids de 2,5 g (quand l’animal commence à avoir un pelage correct), on peut commencer à introduire de l’insecte : un peu de pulpe de vers de farine, puis un corps de papillon pour apprendre à mâcher (dés l’apparition des dents). Après, peu à peu, on augmente les insectes en diminuant le lait. A 15 jours la pipistrelle est sevrée. Pour des espèces plus grandes, bien entendu, ces poids et ces âges ne sont pas valables : il y a variation des données pour chaque espèce.
Pour le relâcher, il est bon de connaître la nurserie d’origine et de remettre en liberté le bébé dés qu’il sait voler : son apprentissage se fait avec un groupe de jeunes de son âge. Je propose de mettre au départ le bébé, apte à relâcher, dans une petite cage suspendue dans la zone de la colonie. Il aura la visite de ses confrères (ou consoeurs) et apprendra à les connaître. Sans doute, mais je ne l’ai pas expérimenté, peut-on utiliser un nichoir avec à l’intérieur quelque nourriture.
Ces animaux sont très doux, rarement mordeurs (sauf s’ils souffrent, et encore !) et acceptent volontiers votre aide jusqu’au moment où la sentant devenue inutile la plupart du temps, ils s’agitent, signe d’un mieux ! Handicapés, ils supportent bien la captivité, mangent seuls dans une assiette, mais aiment la société de leurs semblables et des hommes (faute de mieux !)

Et rappelez-vous de ne pas garder captif l’animal qui peut sainement jouir de sa liberté.