Conseils à ceux qui trouveraient une chauve-souris
en difficulté
Tous les
chiroptères (chauves-souris) français sont protégés et ne doivent donc pas être
mis en captivité. Mais il relève de la plus élémentaire humanité et de
l’efficacité en matière de protection de venir à leur secours en cas de
difficultés.
Un
certain nombre de centres de soins se mettent peu à peu en place, qui les
accueillent plus ou moins : ces centres ont presque tous au départ été
organisés pour l’aide aux oiseaux. Il convient de remettre aussi rapidement que
possible votre trouvaille à l’un de ces lieux où l’animal sera soigné par un
vétérinaire compétent et alimenté avec des insectes.
Les
conseils que je donne ici ont donc comme finalité première de permettre
d’attendre, joindre un centre ou une personne compétente pouvant être long.
Il n’est
pas question de faire un cours, mais plutôt de donner le mode d’emploi d’un
animal un peu particulier.
Je
prendrai pour exemple la pipistrelle commune : ce n’est pas l’unique espèce
française (il en existe 29) mais de loin la plus répandue, en ville
particulièrement, ce qui fait qu’on la trouve blessée assez souvent. Très
petite, son poids varie de 4 à 6 g (en hiver) pour un adulte.
Les
chauves-souris sont des mammifères volants. La mère donne naissance à un bébé
unique ou parfois à des jumeaux, annuellement, à une période comprise entre
fin-juin et mi-juillet.
- Hibernation
Durant la
période froide, les insectes disparaissant, elle dort : son corps devient
froid, c’est-à-dire que sa température s’équilibre avec celle du milieu
environnant, supprimant en très grande partie les échanges et donc la
consommation énergétique. Si vous entrez en un lieu qui héberge des animaux
endormis et si vous y stationnez quelque peu, l’animal dont les fonctions de surveillance
ne sont pas totalement endormies, tend à remonter la température de son corps
afin de pouvoir s’en aller si le danger devient immédiat. Ce qui, pour un
observateur attentif, se traduit par de très petites vibrations du corps. Pour
remonter ainsi la température de sa petite personne, l’animal va consommer du «
carburant » : sa graisse de réserve en l’occurrence, destinée normalement à
assurer un certain ralenti au niveau du cœur et une température « hors gel » .
Si la couche graisseuse est faible, l’animal risque de ne pouvoir attendre le
printemps et le retour des insectes, et mourra de faim.
Alors surtout, évitez de réveiller ceux qui dorment.
- Alimentation
Lorsqu’un
19 janvier, un dimanche, une pipistrelle commune est venue choir à mes pieds (détachée
de la voûte de la cathédrale de Chartres) par grand froid, j’ai été bien
ennuyée, n’ayant rien sur le plan insectes à fournir à cette pensionnaire
envoyée par ciel !
J’ai eu
recours à une mixture fromage blanc et viande crue râpée finement : cela lui a
permis d’attendre mieux. Dès le
lendemain, je me suis rendue sur les quais à Paris chez les vendeurs d’articles
de pêche : on peut parfois trouver en appâts vivants des vers de farine,
généralement en petite boite de 25. Sachez qu’une pipistrelle commune affamée
peut consommer 20 vers de farine sans efforts en une journée (ce qui
représente, selon la taille des vers, entre 3 et 3,5 g environ). Il vaudra
mieux donner ces insectes un à un au début puis deux par deux, etc… Si vous
donniez un lot important, il en résulterait vite des ennuis digestifs.
Si votre
vendeur est bien ravitaillé, peut-être y aura-t-il des fausses teignes de ruche
(Galleria melonella). Ce n’est pas très bon marché mais c’est, sur le plan
gastronomique, pour une chauve-souris, bien supérieur aux vers de farine.
Il reste
l’asticot : ce qui peut dépanner mais… Les asticots ne doivent pas être donnés
sous cette forme : les crochets buccaux sont très dangereux et ces animaux sont
élevés sur viande avariée. Surtout si l’animal blessé a une plaie ouverte, le
contact paraît à éviter. En pupe (stade intermédiaire entre la mouche et
l’asticot), il peut être consommé, mais « épluché » – travail délicat et peut
agréable- et donné à la main. Ce « plat » entartre les dents.
Si
l’animal est faible, il faudra au départ, le nourrir à la main avec de la pulpe
de vers : mais en ce cas, veillez à ne pas obstruer les narines : mieux vaut
après le repas passer sur le nez un coton-tige mouillé, quitte à faire éternuer
l’animal : un nez bouché peut être cause de mort (de faim, car l’animal ne peut
manger au risque de s’asphyxier).
- Blessures
Bien
souvent, ce sont des fractures, en majorité dues à des collisions avec un
véhicule, ou du fait d’un chat. Dans les centres de soins, on considère que ces
animaux ne pourront plus jamais voler normalement (ce qui est inexact : j’en ai
eu la preuve), ils sont donc euthanasiés. Pourtant une pipistrelle n’ayant plus
que trois pattes, si elle ne peut voler, peut vivre huit ans environ. Et ce que
j’ai appris, je le sais par ces pensionnaires inutilisables pour la nature mais
que j’ai conservées.
Si je ne
partage pas humainement parlant le point de vue de ces centres, je le comprends
: en effet, tout repose sur le bénévolat, avec un temps limité, des moyens
financiers réduits, on ne peut donc garder des pensionnaires permanents.
Les
fractures si elles sont franches peuvent guérir et l’animal repartira mais ce
sera long : deux à trois mois. Il faut avant tout laver la plaie si la fracture
est ouverte, avec de l’alcool à 90 °, coupé pour moitié d’eau bouillie. Il faut
placer l’aile en position normale ; la fixer est difficile, les chauves-souris
arrachant tout avec leurs dents. Mais si on met l’animal dans une très petite
boite en carton, percée de quelques trous pour l’aération, doublée de papier
absorbant scotché extérieurement (pour pouvoir le changer), il ne peut bouger.
Il faut juste que la boite permette à l’animal de se suspendre pieds en l’air
et tête en bas.
Cette
boite sera placée –bien fermée pour éviter une fugue éventuelle- dans un lieu
calme et si possible à température peu élevée : 15 °C au plus, 12°C n’est pas
plus mal. La chauve-souris sera tranquille en semi-léthargie.
On peut
la mettre sous antibiotiques, mais il est préférable de recourir aux
vétérinaires. Les pipistrelles sont de bons malades, gentilles et disciplinées.
Si
l’animal saigne éviter de la poser sur du coton hydrophile et songer à lui
donner à boire.
Pour les
repas il est bien de remonter la température jusqu’à 19 ou 20°C une demi-heure
avant de manger et de ne pas la mettre de suite au froid (une demi-heure après,
cela facilite la digestion). On la nourrira à la main au début, pour éviter
qu’elle ne bouge, pour éviter qu’elle ne salisse sa plaie aussi. Si l’animal
n’est pas parfaitement réveillé, évitez de la nourrir : il peut avoir de
mauvais réflexes de déglutition et s’étouffer : ceci est valable pour les
adultes, mais aussi pour un bébé au biberon.
- Membrane déchirée
Cet
accident est fréquent : un chat accroche, la chauve-souris se débat et la
membrane fine se déchire et pend lamentablement. Pour un animal sauvage, c’est
une catastrophe : ne pouvant voler, il ne pourra chasser et mourra de faim.
Certains
livres (et peut-être certains centres !) disent même qu’une membrane déchirée
est irréparable, ce qui est faux. Mais on trouve des animaux morts (de faim)
dont la membrane de ce fait, n’a pas été réparée.
Pourtant,
c’est une réparation à la fois rapide (en général trois semaines) et parfaite :
pas la moindre trace ne subsiste même après un accroc de plusieurs centimètres.
La tâche qui incombe au sauveteur est simple : nourrir le pensionnaire qui ne demande
pas mieux et attendre que la réparation soit terminée, puis relâcher la bête
(qui du reste généralement manifeste son désir de partir). Une précaution à
prendre : rééduquer au vol durant quelques jours la chauve-souris pour qu’elle
redéveloppe une musculature restée inactive un temps.
Pour
relâcher l’animal, j’utilise un nichoir dont la forme me permet même de glisser
une assiette garnie de victuailles à l’intérieur : ce nichoir sera fixé dans la
zone d’origine de l’animal, orientation au sud, surtout en hiver, hors de
portée des prédateurs (animal ou homme). Ainsi, l’animal, aura un logement
d’attente dont il ne sortira qu’à son gré.
- La faim
C’est un
problème de début ou de fin d’hiver, voire de grands froids (après plusieurs
hivers doux). Plusieurs fois on m’a amené des pipistrelles qui étaient entrées
en décembre dans les maisons : leur poids était très faible (4 g environ pour
un mâle). Souvent aussi, ils étaient couverts de tiques : en ce cas, le premier
repas donné, il y a désinfection au carbyl : poudre insecticide qui, à l’usage,
s’est révélée très efficace et rapide, également sans conséquence pour l’animal
traité. Au bout de quelques minutes, les tiques s’étant décrochées du pelage
bien poudré au pinceau fin, je retire la poudre restante au maximum en
brossant. L’animal ainsi manipulé ne proteste jamais. Une semaine de pension
avec une alimentation à discrétion permet à l’animal de prendre environ 1 g :
il passera ainsi un bon hiver.
En fin
d’hiver, ce sont des animaux au sol, épuisés, que l’on trouve, et il faut faire
très vite car ces bêtes ayant faim ont tenté une sortie, n’ont rien trouvé à
manger et sont totalement au bout de leurs réserves : ces bêtes-là sont à
mettre à une chaleur correcte et à nourrir à la becquée, à la main. Mais généralement,
elles se remettent très vite.
- Les bébés
Ce
problème est saisonnier, de fin juin à la fin juillet environ (selon que l’on
se trouve au sud ou au nord de la France).
On peut
trouver de jeunes bébés abandonnés, perdus au cours d’une fuite, ou peut-être
l’un des deux jumeaux, à moins que la mère accidentée ne soit pas rentrée au
domicile.
La
nourriture pour un poids de 1,4 à 2,5 g sera constituée de lait maternisé pour
chiots et chatons, mais il convient de diluer la poudre un peu moins qu’il n’est
indiqué. Il faudra y adjoindre un peu (difficile à doser !) de sofcanis (ou
d’un autre complément phosphore-calcium). Six biberons par jour sont
nécessaires, diminuant jusqu’à quatre avec la croissance du bébé. Dés le poids
de 2,5 g (quand l’animal commence à avoir un pelage correct), on peut commencer
à introduire de l’insecte : un peu de pulpe de vers de farine, puis un corps de
papillon pour apprendre à mâcher (dés l’apparition des dents). Après, peu à
peu, on augmente les insectes en diminuant le lait. A 15 jours la pipistrelle
est sevrée. Pour des espèces plus grandes, bien entendu, ces poids et ces âges
ne sont pas valables : il y a variation des données pour chaque espèce.
Pour le
relâcher, il est bon de connaître la nurserie d’origine et de remettre en
liberté le bébé dés qu’il sait voler : son apprentissage se fait avec un groupe
de jeunes de son âge. Je propose de mettre au départ le bébé, apte à relâcher,
dans une petite cage suspendue dans la zone de la colonie. Il aura la visite de
ses confrères (ou consoeurs) et apprendra à les connaître. Sans doute, mais je
ne l’ai pas expérimenté, peut-on utiliser un nichoir avec à l’intérieur quelque
nourriture.
Ces
animaux sont très doux, rarement mordeurs (sauf s’ils souffrent, et encore !)
et acceptent volontiers votre aide jusqu’au moment où la sentant devenue
inutile la plupart du temps, ils s’agitent, signe d’un mieux ! Handicapés, ils
supportent bien la captivité, mangent seuls dans une assiette, mais aiment la
société de leurs semblables et des hommes (faute de mieux !)
Et
rappelez-vous de ne pas garder captif l’animal qui peut sainement jouir de sa
liberté.